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Monsieur Bauverd
Je vous écris via Internet
jeudi 30 octobre 2003, par
En espérant que cette missive vous parvienne. Je viens de terminer votre livre. C’est à regret que j’ai lu sur la dernière page votre signature « Ton fils  ». J’ai cherché en vain sur le Net un site qui m’aurait révélé une adresse @mail où je pourrais vous faire parvenir mon impression sur votre « Post Mortem  »â€¦
Quand je pense que vous êtes arrivé en Suisse à la même période où j’y ai vécu, je me dis que nous aurions pu nous retrouver dans la même école. J’ai vécu une année en Suisse. J’ai reconnu dans votre descriptif la Suisse de mon enfance. Entre parenthèse, plus rien à voir avec celle de 2003. Beaucoup de Suisses ont changé et les seuls qui ressemblent à ceux que j’ai rencontré jadis, sont des jeunes gens attiré par la même folie que votre père.
Le sujet de ma lettre n’est pas Lausanne, ni le canton de Vaud, mais le contenu de votre ouvrage. Vous écrivez fort bien. Votre style est enlevé, plaisant, vif et plein d’humour face aux malheurs. Votre style plaît au mien. Je trouve que votre approche des fous d’idéologie nazie est assez ressemblante à la mienne.
Vous ne niez pas la bêtise et l’horreur de ses soit-disants romantiques, mais vous ne leur niez pas un côté humain. Vous aussi vous cherchez à comprendre comment et pourquoi un humain peut se laisser emporter dans cette monstruosité. Comprendre, ne voulant pas dire pardonner, mais expliquer.
Un identitaire Suisse participant au forum d’Avant Garde, vous plaint d’avoir dà » apprendre à haïr votre père. Il a écrit cela à la suite de l’émission « Les enfants de la Honte  » (Ca se discute du 1er octobre 2003). Pour lui c’est clair, ce sont les libéraux et les démocrates qui vous ont appris à haïr votre père. Je souhaite qu’il lise votre livre. Quant à moi, sur le plateau, je vous ai trouvé très calme, très consensuel, très bien élevé, bref ! Très Suisse
Justement, dans votre livre, on voit bien que vous l’avez aimé ce père nazi. C’est d’ailleurs toute la problématique avec eux. Ils ont un côté humain hyper attachant et cette autre facette qui fait d’eux des monstres, des êtres cyniques, durs, froids et insensibles.
J’ai éclaté de rire à l’histoire du yogourt assassin. J’imaginais des fachos de ma connaissance furibonds que l’on ait pu leur vendre de tels produits alimentaires. J’entendais comme si j’y étais la colère de votre Suisse de père à l’encontre du j’m’en foutisme mondial, initié par le complot judéo-chrétien. Oui, je crois que j’ai eu l’impression d’avoir rencontré votre père, de le connaître, il ressemblait tant à un certain nazi Suisse de ma connaissance ! Tout dans votre livre et surtout dans les mots écrits pour nous parler de lui, montre à quel point vous l’avez aimé. Vous haïssiez ses folles idées, mais pas lui, pas l’humain qui vous faisait découvrir sa Suisse, ses plantes et ses montagnes. Vous ne détestiez pas l’homme dans la main duquel vous aimiez pouvoir glisser la votre. Vous regrettiez seulement de ne pouvoir l’embrasser et lui dire « papa je t’aime !  »
Je me suis régalée de votre vision du monde Helvétique calviniste et bourgeois.
Que dire du passage sur l’héroïsme Suisse pendant la seconde guerre, et les résistants Suisses et patriotes ? Les terrifiants Suisses faisant trembler de peur les méchants fascistes, non mais des fois ! Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un tout petit peu à mes lecteurs :
« Tu as vécu la très ennuyeuse mobilisation helvétique pour aller garder les cols sur les cimes enneigées et éternelles et barrer ainsi la route aux hordes de concupiscents Teutons qui auraient pu lorgner sur les réserves d’or et d’Ovomaltine…  » (Carlos BAUVERD auteur de Post Mortem - Lettre à un père fasciste)
Edité chez Phébus
Un livre d’amour pour un père distant et absent, mais capable d’être généreux.
Illustration 1ère de couve du livre de Carlos BAUVERD